Les orteils de Madame F

Non non non et non. Madame F ne peut laisser dire ça. La fermeture prolongée du zoo n’est pas due à une poussée de flemmardise aigüe à laquelle la directrice se serait lâchement abandonnée pour sombrer avec délice dans une paresse estivale de bon aloi. D’abord, ce n’est pas le genre de la maison. Non. Et vous le savez parfaitement. D’accord, c’est peut-être UN PEU le genre de la maison. Qui a osé dire "beaucoup"? Ouais, facile.   

Et non, Madame F ne se justifiera pas. Ça non plus, ce n’est pas le genre de la bête. Si ? Ah, bon, vous croyez ? Alors, puisqu’il faut en passer par là... D’abord, la gestion d’un zoo n’est pas de tout repos. Il faut savoir s’arrêter, tout le monde le dit. Et, ça madame F sait le faire. C’est marrant là, plus personne n’a de commentaires à faire, hein ? Tremble, lecteur, madame F te voit. Et jamais n'oublie.

Bon, alors voilà : madame F a été très occupée. Parfaitement. Et pas par des peccadilles. Nooooon, par des trucs sérieux. Du lourd. Jugez plutôt. Début juin : madame F entame le processus de réflexion conduisant au choix définitif du vernis de l’été. Pour les orteils, gris souris ou bleu turquoise ? Mi-juin, la question n’est pas tranchée. Tout est calme sur le front des doigts de pied. Pour des raisons climatiques, les orteils de madame F sont confinés à l’intérieur. Fin juin, première sortie de sandales, humeur guillerette et ongles caraïbes au vent. Regard appréciateur d’un groupe d’adolescentes au look terrifiant. Retour immédiat au bercail et activation du plan de sauvetage "opération dissolvant".

Début août, les orteils de madame F virent au gris. Ce qui provoque l’intérêt suspect d’un dermatologue ouzbek de passage qui diagnostique sur le champ une mycose de l'ongle aussi rare qu'inédite. Parles-en à Chanel, Môssieur bubon.  Re-dissolvant, puis base naturelle protectrice, application minutieuse DU vernis corail recommandé par les meilleurs philosophes ongulaires, finitions au top coat « faut que ça shine un max, sinon t’es ringarde ». Immobilisation de rigueur pour séchage efficace. Trois heures plus tard, le tour est joué. Le résultat est joli. Très joli même. Sauf que voilà : ça ne va avec aucune  des chaussures de madame F, qui pourtant dispose d'un stock impressionnant en la matière (Monsieur F dixit, NDLR: la vérité est un peu plus complexe).   

Et c’est reparti pour un tour. Cette fois avec LE vernis framboise écrasée de la saison. Avec tout ça, on est déjà fin août. Et madame F n’a toujours pas les orteils qu’il faut pour arpenter dignement les allées du zoo. Ben ouais, qu’est-ce que vous croyez ? C’est pour ses créatures que madame F se décarcasse. Elles sont sensibles à la mode, elles aussi. Y’a pas de raison. D’autant plus que la police ongulaire veille au grain.

Nail fashion flic affecté à la surveillance ongulaire du zoo (voile de coton étoilé).

Et madame F tient à sa crédibilité. Crédibilité est en effet le maître mot en matière de management zoologique. Framboise écrasée, ça fait un peu « zut, je viens de marcher sur un bébé ragondin avec mes stilettos, j’en ai plein les orteils ». Difficile de se faire passer pour une amie des animaux avec des ongles sanglants. Vous en conviendrez,  c'est pas top pour regagner la confiance de créatures zoologiques délaissées pendant tout l'été.

Septembre: ça bosse dur, madame F poursuit courageusement dans la voie du nail art en tentant successivement le brun chocolat (même que les ongles de madame F, on dirait des Toffifees. Trop  risqué en présence de créatures affamées), le noir (vampirella rules) puis enfin le violet (damned, qui a vomi sa tarte aux pruneaux sur les pieds de madame F?). Que des  échecs. Et encore, on vous passe les détails gores liés à l’usage du séparateur d’orteils et autres instruments de torture.

Octobre venu, l’hiver frappe à nos portes et madame F a enfin trouvé la sérénité. Ce jour restera gravé dans la courte histoire du zoo comme celui de la paix des pieds. Les orteils sont rangés jusqu’à l’été prochain. Toutes les conditions sont réunies pour que Madame F se remette en selle. D’autant plus que de nouvelles créatures réclament d’entrer à leur tour dans la lumière. Et…  et... Bon d’accord. Madame F a eu la FLEMME. Voilà, c’est dit. Vous êtes contents ?

Comments

[Ephémère]

...et je suis toute contente de voir que Mme F. la directrice du Zoo s'est enfin réveillée! Comme "la Boche" a si bien remarqué il y a une siècle, vous êtes une véritable (nail-)artiste. Dans une autre langue on dirait: "U slaat spijkers met koppen". Bisous!